MOUVANCES ET MOUVEMENTS DANS LES SOCIÉTÉS, LES ARTS ET LES LETTRES DE L’AMÉRIQUE HISPANIQUE ET DE LA CARAÏBE
(porteur Elvire Gomez-Vidal)
2011-2016
(porteur Elvire Gomez-Vidal)
2011-2016
1.1.Écritures et figurations du Mouvement dans les Arts, les Lettres et les Sociétés de l’Amérique hispanique (responsable : Elvire Gomez-Vidal)
1.2. Caraïbe Plurielle : dynamiques et mouvances (responsables : Michèle Dalmace et Eric Dubesset)
- Cartographies mouvantes des cultures et des langues de la Caraïbe
- Dynamiques sociétales et géopolitiques caribéennes (XVIII-XXIe)
1.3.Transports, échanges et mobilités dans les Amériques (1800-1914) (responsable : Isabelle Tauzin)
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Le projet « Ecritures et figurations du Mouvement dans les Lettres, les Arts et les Sociétés de L’Amérique hispanique » (30 mois) est le sous-axe 1 de l’AXE 1 d’AMERIBER intitulé « Mouvances et Mouvements dans les Sociétés, les Arts et les Lettres de l’Amérique Latine et de la Caraïbe » (porteur Elvire Gomez-Vidal Bernard) qui comprend deux autres sous-Axes : « Caraïbe Plurielle : dynamiques et mouvances » (porteurs : Michèle Dalmace et Eric Dubesset), et « Transports, échanges et mobilités dans les Amériques (1800-1914) » TEMA (porteur : Isabelle Tauzin Castellanos)
Les concepts de « mouvance » et de « mouvement » entrent en résonance directe avec les aires de l’Amérique hispanique et de la Caraïbe. Aires surgies du néant pour les Européens de la fin du XVe siècle qui voyagent jusqu’à elles en ignorant leur existence préalable et s’en emparent, les intégrant dans leur « mouvance » ; aires dont les contours ne seront parfaitement délimités qu’après d’incessants parcours des découvreurs et des voyageurs de toute espèce ; vaste espace divisé en ensembles aux identités bien marquées mais reliés par des échanges de multiple nature, tissant ainsi des réseaux d’influences, animé par une volonté d’unité qui s’est maintes fois manifestée dans des projets politiques visant à un rassemblement général. C’est là l’ancrage premier, géographique, culturel et politique qui apporte une cohérence légitime à la réflexion puisque ni l’Amérique Latine ni la Caraïbe ne sauraient être appréhendées sans avoir recours à ces concepts de mouvement et de mouvance essentiels à leur constitution et à leurs évolutions.
Le thème « Mouvances et Mouvements dans les Sociétés, les Arts et les Lettres de l’Amérique hispanique et de la Caraïbe » couvre toutes nos disciplines, littérature, histoire, civilisation, peinture, cinéma, arts plastiques. Il s’agit d’une problématique très large, novatrice dans les groupes de recherche américanistes même si certains de ses aspects, notamment dans les domaines de l’histoire, de l’ethnologie et de la sociologie (tels que les migrations ou les déplacements de populations tant dans la période précolombienne que dans l’actualité) ont pu être traités ponctuellement. On peut d’ores et déjà affirmer qu’il pourra se décliner en de nombreux travaux de recherche et de thèses dans une diversité qui ne pourra entamer l’harmonie de l’ensemble tant ces deux concepts cernent la structure même de l’Amérique hispanique et de la Caraïbe. Il permet en outre d’associer dans une grande liberté, en favorisant des échanges riches et fructueux, historiens, civilisationnistes, plasticiens et littéraires.
Le mouvement, que l’on ne saurait séparer du rythme (Platon disait que « le rythme est l’ordre du mouvement »), est une articulation de concepts métaphysiques et physiques complexes, qui doivent être revus théoriquement avec, comme point d’appui, les études des penseurs grecs de l’Antiquité tels Héraclite (les fragments et les travaux ultérieurs suscités par ses pensées), Platon et Aristote qui continuent d’inspirer nombre de travaux contemporains (Le rythme grec d’Héraclite à Aristote de Pierre Sauvanet), mais également du Siècle des Lumières, avec Diderot et d’Alembert, mais encore, bien plus près de nous, celles de Gaston Bachelard, (L’intuition de l’instant, 1932 ; Dialectique de la durée, 1963) ou encore de Blanchot, de Merleau-Ponty, de Deleuze, et, pour ce qui relève du langage, d’Henri Meschonnic (Critique du rythme, anthropologie historique du langage, 1982), parallèlement à la recherche d’une délimitation concrète de ses domaines et des interactions entre rythme et mouvement grâce à l’établissement d’un corpus précis. On retiendra dès à présent le caractère dynamique du mouvement en tant que déplacement, activité, évolution, agitation et variation des esprits et des choses, accélération, ralentissement, changement, mutation, etc.
La mouvance[1], qui provient de la même racine latine que « mouvement », n’est pas pour autant une simple redondance de ce dernier. Le terme de « mouvance » renvoie, quant à lui, au discours historique et judiciaire, puisque son sens premier, attesté dans tous les dictionnaires consultés, est celui de dépendance d’un fief à l’égard d’un autre, et de ce fait, il englobe par extension toutes les formes de domination et de résistance qu’il s’agisse de la période précolombienne, de la Conquête, des Guerres d’Indépendance, ou de l’époque contemporaine.
A la suite de Paul Zumthor, « la mouvance », qui prend là un nouveau sens, apparaît comme le phénomène majeur de la culture médiévale, tant les textes, dans leurs variations, font de l’auteur une figure fuyante. La « mouvance » peut donc également s’entendre par extension comme réécriture, intertextualité, échanges entre les textes, interpénétration entre les différentes expressions artistiques. Dans le concept de « mouvance », s’insère également ce qui est par définition mouvant, frontières instables, changeantes, incertaines, courants de pensée informels, circulation des idées et des savoirs, sphères d’influence. Il est intéressant de relever dès à présent que si « mouvement » se traduit par « movimiento » en espagnol, terme qui recouvre toutes les significations et les résonances du mot français, il n’en va pas de même pour « mouvance ». En effet, le terme « mouvance » ne peut être traduit que par un ensemble d’expressions détaillant l’éventail de son sémantisme : « dependencia de feudo », « esfera de influencia », « movilidad », « movida »[2], l’adjectif « movedizo », etc.
Cette étude générale des concepts de Mouvement, de Mouvance et de leurs corollaires devrait se maintenir sur toute la durée du quinquennal en interaction avec les recherches forcément plus délimitées et ponctuelles des trois sous-axes que nous avons mentionnés (« Écritures et figurations du Mouvement dans l’Amérique hispanique » ; « Caraïbe plurielle : dynamiques et mouvances » ; « Transports, échanges et mobilités dans les Amériques, 1800-1914 ») et avec celles de chacun des membres de l’équipe. Elle permettrait d’enrichir et de donner une belle cohérence à l’ensemble des travaux menés à bien, en tant que grille conceptuelle les sous-tendant qui contribuerait à dégager, grâce à la mise en regard des deux concepts, leurs spécificités, leurs affinités voire leurs incompatibilités, le tout posé sur des réalités sociopolitiques et culturelles qu’ils ne manqueront pas d’éclairer de manière novatrice car, on l’a dit, ces deux aires, l’Amérique hispanique et la Caraïbe, en sont pétries et les intègrent dans leur essence même.
Mouvance et mouvement mettent en jeu le temps et l’espace, leurs évolutions et leurs accidents, leurs ruptures et leurs équilibres. Bien évidemment, tout texte, voire tout discours étant faits eux aussi de temps et d’espace, ils entrent de plain-pied dans cette thématique.
Le thème « Mouvances et Mouvements dans les Sociétés, les Arts et les Lettres de l’Amérique hispanique et de la Caraïbe » couvre toutes nos disciplines, littérature, histoire, civilisation, peinture, cinéma, arts plastiques. Il s’agit d’une problématique très large, novatrice dans les groupes de recherche américanistes même si certains de ses aspects, notamment dans les domaines de l’histoire, de l’ethnologie et de la sociologie (tels que les migrations ou les déplacements de populations tant dans la période précolombienne que dans l’actualité) ont pu être traités ponctuellement. On peut d’ores et déjà affirmer qu’il pourra se décliner en de nombreux travaux de recherche et de thèses dans une diversité qui ne pourra entamer l’harmonie de l’ensemble tant ces deux concepts cernent la structure même de l’Amérique hispanique et de la Caraïbe. Il permet en outre d’associer dans une grande liberté, en favorisant des échanges riches et fructueux, historiens, civilisationnistes, plasticiens et littéraires.
Le mouvement, que l’on ne saurait séparer du rythme (Platon disait que « le rythme est l’ordre du mouvement »), est une articulation de concepts métaphysiques et physiques complexes, qui doivent être revus théoriquement avec, comme point d’appui, les études des penseurs grecs de l’Antiquité tels Héraclite (les fragments et les travaux ultérieurs suscités par ses pensées), Platon et Aristote qui continuent d’inspirer nombre de travaux contemporains (Le rythme grec d’Héraclite à Aristote de Pierre Sauvanet), mais également du Siècle des Lumières, avec Diderot et d’Alembert, mais encore, bien plus près de nous, celles de Gaston Bachelard, (L’intuition de l’instant, 1932 ; Dialectique de la durée, 1963) ou encore de Blanchot, de Merleau-Ponty, de Deleuze, et, pour ce qui relève du langage, d’Henri Meschonnic (Critique du rythme, anthropologie historique du langage, 1982), parallèlement à la recherche d’une délimitation concrète de ses domaines et des interactions entre rythme et mouvement grâce à l’établissement d’un corpus précis. On retiendra dès à présent le caractère dynamique du mouvement en tant que déplacement, activité, évolution, agitation et variation des esprits et des choses, accélération, ralentissement, changement, mutation, etc.
La mouvance[1], qui provient de la même racine latine que « mouvement », n’est pas pour autant une simple redondance de ce dernier. Le terme de « mouvance » renvoie, quant à lui, au discours historique et judiciaire, puisque son sens premier, attesté dans tous les dictionnaires consultés, est celui de dépendance d’un fief à l’égard d’un autre, et de ce fait, il englobe par extension toutes les formes de domination et de résistance qu’il s’agisse de la période précolombienne, de la Conquête, des Guerres d’Indépendance, ou de l’époque contemporaine.
A la suite de Paul Zumthor, « la mouvance », qui prend là un nouveau sens, apparaît comme le phénomène majeur de la culture médiévale, tant les textes, dans leurs variations, font de l’auteur une figure fuyante. La « mouvance » peut donc également s’entendre par extension comme réécriture, intertextualité, échanges entre les textes, interpénétration entre les différentes expressions artistiques. Dans le concept de « mouvance », s’insère également ce qui est par définition mouvant, frontières instables, changeantes, incertaines, courants de pensée informels, circulation des idées et des savoirs, sphères d’influence. Il est intéressant de relever dès à présent que si « mouvement » se traduit par « movimiento » en espagnol, terme qui recouvre toutes les significations et les résonances du mot français, il n’en va pas de même pour « mouvance ». En effet, le terme « mouvance » ne peut être traduit que par un ensemble d’expressions détaillant l’éventail de son sémantisme : « dependencia de feudo », « esfera de influencia », « movilidad », « movida »[2], l’adjectif « movedizo », etc.
Cette étude générale des concepts de Mouvement, de Mouvance et de leurs corollaires devrait se maintenir sur toute la durée du quinquennal en interaction avec les recherches forcément plus délimitées et ponctuelles des trois sous-axes que nous avons mentionnés (« Écritures et figurations du Mouvement dans l’Amérique hispanique » ; « Caraïbe plurielle : dynamiques et mouvances » ; « Transports, échanges et mobilités dans les Amériques, 1800-1914 ») et avec celles de chacun des membres de l’équipe. Elle permettrait d’enrichir et de donner une belle cohérence à l’ensemble des travaux menés à bien, en tant que grille conceptuelle les sous-tendant qui contribuerait à dégager, grâce à la mise en regard des deux concepts, leurs spécificités, leurs affinités voire leurs incompatibilités, le tout posé sur des réalités sociopolitiques et culturelles qu’ils ne manqueront pas d’éclairer de manière novatrice car, on l’a dit, ces deux aires, l’Amérique hispanique et la Caraïbe, en sont pétries et les intègrent dans leur essence même.
Mouvance et mouvement mettent en jeu le temps et l’espace, leurs évolutions et leurs accidents, leurs ruptures et leurs équilibres. Bien évidemment, tout texte, voire tout discours étant faits eux aussi de temps et d’espace, ils entrent de plain-pied dans cette thématique.
« Ecritures et figurations du Mouvement dans les Lettres, les Arts et les Sociétés de L’Amérique hispanique » (30 mois)
Le thème de l’enfermement, étudié par les membres de ce groupe durant le quadriennal précédent n’est pas sans avoir suscité un intérêt vers ce qui précisément est entravé par lui : la liberté, qui s’exprime essentiellement par le mouvement, mouvement des corps, des esprits, des pensées, des choses. C’est pourquoi, au risque de paraître paradoxal, le choix de la thématique « Écritures et figurations du Mouvement dans les Arts, les Lettres et les Sociétés de l’Amérique hispanique » entre en résonance directe avec lui et s’inscrit dans une continuité intellectuelle.
Le chevauchement entre ces deux thématiques (l’enfermement et le mouvement) est présent dans le regard porté sur la ville hispano-américaine, espace urbain privilégié par les écrits de fiction contemporains au détriment de la jungle ou des espaces ruraux. Quelle a été l’évolution dans la représentation de la ville entre le XIXe et le XXe siècle ? Comment est-on passé de ce lieu de barbarie ou propice aux épanchements bucoliques qu’est la campagne hispano-américaine à la ville, centre du progrès, de la modernité, du développement économique, politique et culturel ? Et ensuite, comment l’image de la ville acquiert-elle une nouvelle complexité en tant que fruit de migrations rurales massives, favorisant le métissage, l’hybridation culturelle (Mónica Cárdenas : « Représentations de la ville dans la littérature péruvienne du XIXe siècle : la dynamique entre le centre et la périphérie » ; Carlos Martinez Asssad, UNAM, « Mexico, una ciudad cosmopolita de inmigrantes »)? Quels sont, dans cette ville devenue labyrinthique et violente, les parcours rendant compte de son essence ? On songe à mille récits, depuis le Mexico de La región más transparente de Carlos Fuentes jusqu’au Santiago du Chili des romans policiers de Ramón Díaz Eterovic en passant par la Lima de Lima la horrible de Salazar Bondy ou de La ciudad y los perros ou de Conversación en La catedral de Mario Vargas Llosa. Une ville que l’on songe à fuir, afin de reconquérir de nouveaux espaces de liberté en revenant à des lieux originels où la vraie vie sourdrait à profusion : un certain nombre de romans sont ainsi structurés par « Le voyage sans retour de la ville vers la jungle » (Elvire Gomez-Vidal) tels que La Vorágine du Colombien José Eustasio Rivera (1924), Los pasos perdidos du Cubain Alejo Carpentier (1953) ou El hablador du Péruvien Mario Vargas Llosa (1987). Ce déplacement d’un enfermement urbain vers une promesse de liberté, vers la rencontre avec les cultures précolombiennes, avec l’altérité, voyage spatial mais aussi temporel, n’est-il pas illusoire ? Quels sont ses ferments idéologiques ? Le versant parodique de ce voyage de la ville à la jungle est certainement celui effectué par le personnage de Pantaleón dans Pantaleón y las visitadoras de Mario Vargas Llosa (1973) où la maison close « volante » créée par celui-ci parcourt la jungle afin de mettre un terme à la lubricité des soldats (Felix Terrones : « Le paradoxe de la maison close dans le roman contemporain : un lieu de circulation et d’échange », en lien avec sa thèse, « Les maisons closes dans les romans du boom » ).
Si l’on considère la matérialité même du voyage, on constate que chaque moyen de transport suscite une approche originale de l’espace traversé, crée un paysage spécifique et une perception différente du temps. On retiendra la magnifique ouverture de Doña Bárbara du Vénézuélien Rómulo Gallegos (1929), ce difficile périple en pirogue vers les llanos, qui sanctionne la rupture définitive de Santos Luzardo avec le monde urbain et son passé et qui imprègne tout le roman des significations qu’il véhicule : l’implacable, patiente et inéluctable conquête par l’homme des éléments déchaînés, d’une Nature impétueuse et sauvage, l’instauration optimiste de la Civilisation prenant le pas sur la Barbarie ; ou encore ces « Coplas de arrieros » qui rythmaient et cadençaient les déplacements des muletiers dans les sentiers argentins (Béatrice Chenot). À travers diverses œuvres de fiction (Yawar Fiesta -1941-, Los ríos profundos -1956- du Péruvien José María Arguedas ; El tren pasa primero -2006- de la Mexicaine Elena Poniatowska), mais aussi des documents factuels tels que la correspondance entre voyageurs au XIXe siècle (Correspondance du Péruvien Ricardo Palma -1833-1919-), la presse, les récits de voyage (le récit de voyage de Clorinda Matto de Turner -1852-1909-) et les guides anciens, on se penchera sur la perception et la représentation de la réalité environnante, selon le mode de transport utilisé. Le « temps mort » du voyage, comment les auteurs et narrateurs en tirent-ils parti au plan de la narration ? Ces haltes que sont les lieux d’hébergements (auberges, hôtels, résidences transitoires, etc.) ne sont-ils pas depuis Les contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer au XIVe siècle, des espaces de sociabilité où convergent différentes catégories de populations en transit, des carrefours de rencontres favorisant l’émergence des récits? (Isabelle Tauzin : « Modes de voyage, temps morts et carrefours »).
Une « poétique du mouvement » ne pourra manquer de se dégager de la mise en regard du mouvement, du temps, du rythme et de l’équilibre dans la sculpture et la peinture hispano-américaine contemporaine (Vera Picado : « La quête du mouvement » en lien avec sa thèse sous la direction d’Hélène Sorbé, d’Arts Plastiques). Cette « poétique du mouvement » pourrait inclure en son sein une autre dimension, la réception de l’œuvre d’art, et dans le cas des romans, de l’exercice de la lecture, mouvement aussi, mouvement contraint, mouvement vectorisé par l’avancée du texte écrit tel qu’il est donné à lire. De ce point de vue, Rayuela de l’Argentin Julio Cortázar (1963) est bien « l’antiroman » par excellence selon les termes même de l’écrivain, en ce qu’il place le lecteur en situation de « complice, de compagnon de route »[3] de l’auteur puisque le roman propose plusieurs itinéraires de lectures possibles nettement précisés par le narrateur qui donnent lieu à des intrigues différentes à dénouement variable. Œuvre paroxystique où le cheminement habituel de la lecture est profondément altéré, le texte devenant dédale organisé à parcourir, Rayuela déclare constitutivement, structurellement, le caractère fictionnel de l’écriture romanesque en instaurant « la lecture comme jeu » [4] (Elvire Gomez-Vidal : « Lecture de voyages : Rayuela de Julio Cortázar »).
Le mouvement, c’est aussi la porosité et l’influence réciproque entre genres littéraires différents, le flou des frontières entre récits fictionnels et récits factuels particulièrement exacerbé autour de la figure d’un « héros » (Marisol Abella Bétancourth : « Représentation des sicaires colombiens : va-et-vient entre fictions et témoignages » en lien direct avec sa thèse « Le roman « sicaresque » en Colombie ») ou encore le cheminement d’écrivaines comme Elena Poniatowska ou Sara Sefovich qui passent de la fiction à l’essai et vice versa, tantôt taraudées par la puissance du réel mexicain et l’urgence à le rendre, tantôt séduites par les pouvoirs de la fiction et ses aptitudes à suggérer. Les grandes poétesses mexicaines, Elsa Cross et Pura López Colomé nous parleront du rapport entre « les mots et les choses », de la nomination du monde à travers leur condition de femmes écrivaines. Il y a encore le mouvement qui va de la fabrique d’une image à l’influence de celle-ci dans la vie quotidienne : c’est ce que Julia Tuñon, grande spécialiste du cinéma mexicain, s’emploiera à démontrer (« Mujeres de luz y sombra en el cine mexicano:
La construcción de una imagen, 1939-1952 ») ; ou bien, comment, dans le cinéma et la littérature chicanos, il y a reprise, recyclage et subversion des stéréotypes et des grandes figures de la féminité mexicaine (Elyette Benjamin, Yves-Charles Granjeat -CLIMAS- et le cinéaste chicano Gary Keller). De la même manière, Cristina Bravo Rozas (Université Complutense, Madrid), observe la survivance de « Sanchos y Quijotes en la dramaturgia mexicana actual » et Julie Morales s’interrogera, à travers la réalisation d’un documentaire à teneur scientifique, sur la vivacité et les mutations « des rites, mythes et croyances des Mayas du XXIe siècle». Quant à Beatriz Canabal, (Sociologue, Université Xochimilco, Mexique), elle présentera la zone particulière de Xochimilco, ses canaux et les modes de production agricoles dans ce lieu qui est l’héritier de l’ancienne Tenoctitlan, l’ancienne capitale des Aztèques, « la Venise des Amériques », et qui marie traditions et préoccupations écologiques des plus contemporaines.
En contrepoint au décloisonnement antérieur entre genres (fictions et récits factuels), on évoquera le roman indigéniste, nettement répertorié en tant que « genre » ou « sous-genre » littéraire, hautement codifié, quasiment momifié, « mort » même selon la formule célèbre de Salazar Bondy, qui ne cesse pourtant de se renouveler depuis les années 80 dans les romans péruviens de tendance néo-indigéniste [5] et de susciter nombre de travaux critiques [6]. Dans le cours de cette évolution, la représentation de la figure féminine ne serait-elle pas un paramètre majeur, et l’on songe en particulier au roman Rosa Cuchillo d’Oscar Colchado Lucio (1996) et au personnage éponyme, en pèlerinage entre deux mondes ? C’est ce que Nathalie Lavigne se propose de démontrer, en revenant quant à elle à la source du roman indigéniste, le roman indianiste antérieur: « La figure féminine dans le roman indianiste et indigéniste : entre statisme et mouvement ») ? Sans quitter le monde « indigène », mais nous transportant vers une autre aire et en l’envisageant maintenant sous l’angle de l’histoire, on s’intéressera aux mouvements politiques et sociaux au Guatemala, dans une société où 60% de la population fonctionne et raisonne selon des schémas culturels et psychologiques autres que ceux structurant l’État et la vie publique. Comment et en quoi les communautés indiennes guatémaltèques ont-elles influencé « les dynamiques politiques depuis 1944 jusqu’à aujourd’hui » (David de la Fuente en lien avec sa thèse sous la direction d’Yves Aguila)? En rapport avec les communautés indiennes dans l’Amérique hispanique, avec leur reconnaissance progressive et avec leur émergence en tant qu’acteurs politiques, on proposera également une réflexion sur la manière dont se construit le discours scientifique sur les groupes dits ethniques (Veruhska Alvizuri : « Une ethnohistoire des ethnologues : l’invention des ethnicités en Amérique latine »).
A la suite de la pensée de Siqueiros (« une peinture murale dynamique pour un spectateur dynamique ») et des œuvres des grands muralistes mexicains (« Les représentations féminines des muralistes mexicains », Michèle Dalmace), les fresques populaires chiliennes nées sur les murs des bidonvilles sont l’incarnation du mouvement, tant d’un point de vue idéologique que physique. Outre son caractère performatif, l’image engagée intervient comme praxis dans la vie quotidienne, depuis sa conception (geste politique donnant lieu à une pratique corporelle) jusqu’à sa perception puisqu’au-delà du regard actif qu’il requiert, le mural s’adresse à un observateur en mouvement, au badaud qui passe. Ce point de rencontre de l’espace et du temps qu’est le mural s’érige en théâtre de l’éphémère (Valérie Joubert : « L’art de la rue à Santiago du Chili : un art vif »). Théâtre de l’éphémère mais aussi lieu de la dénonciation, lieu du dévoilement d’une réalité cachée et censurée, le mural sous la dictature du général Pinochet est l’illustration d’une dynamique allant du secret d’Etat à la dénudation et à l’exposition publique des faits. Cette même dynamique est à l’œuvre dans la découverte des charniers de « los falsos positivos » en Colombie. Certes, ce n’est pas par la voie de l’expression artistique que le scandale a éclaté à l’automne 2008, mais grâce aux enquêtes de deux associations humanitaires (Human Rights Watch et Amnesty International), très vite relayées par la presse internationale et nationale, bientôt rejointes par la propre administration du Président Alvaro Uribe, éclaboussé par l’affaire puisque certains militaires de l’armée régulière colombienne massacraient de simples paysans en faisant croire qu’il s’agissait de « subversivos » des FARC afin de toucher une prime (James Cortés : « Los falsos positivos en Colombie : du secret d’État au scandale public »). La dynamique du passage du secret politique au dévoilement public met en lumière les rapports de force qui se jouent actuellement non seulement à l’échelle de la Colombie mais de toute l’Amérique latine au sein de démocraties alliant des Constitutions extrêmement progressistes et des pratiques léguées par les régimes dictatoriaux antérieurs.
Dans un mouvement rétrospectif, on reviendra sur les origines de l’Amérique hispanique actuelle et sur ses legs à travers quatre sujets : l’Indépendance et ses guerres (Lise Segas : « Las lanzas coloradas du Vénézuélien Arturo Uslar Pietri -1931- : une poétique du mouvement » ; en outre, sa thèse, « Le cycle des pirates dans la poésie épique des Indes (1585-1615) » entre en résonance directe avec ce sous-axe), la fondation des villes du Nouveau Monde (Fernando Casanueva : « Pedro de Valdivia : le Prince du mouvement » ; Bernal Herrera : « De la Conquête à la modernité : Hernán Cortès et Machiavel »), et la figure emblématique de la Conquête, ayant donné lieu à d’innombrables représentations picturales ou sculpturales, Santiago (« Santiago y ¡ cierra España ! »), qui concentre en elle le transfert des termes de la Reconquête espagnole dans les formes et les enjeux de la Conquête des Amériques (Valérie Joubert : « De la Reconquête à la Conquête : Santiago Matamoros/Santiago Mataindios ») ; on s’intéressera également à la représentation de la Conquête dans les œuvres de fiction (sujet de la thèse de Nathalie Lavigne).
Comme on peut l’apprécier à la lecture de ce projet, la thématique « Écritures et figurations du Mouvement dans l’Amérique hispanique », a rassemblé un nombre important de chercheurs confirmés et de jeunes doctorants et les sujets qu’ils ont proposés ont infléchi le cours et la nature de la réflexion. De manière dialectique, plusieurs des doctorants intéressés y ont vu une manière nouvelle d’envisager leur travail de thèse qui leur ouvre des perspectives prometteuses.
« La mouvance, phénomène majeur de la culture médiévale, déroute le lecteur moderne habitué à la stabilité (relative) de l'œuvre imprimée. Au Moyen Âge, l'auteur reste le plus souvent une figure évanescente dont la part de responsabilité est difficile à établir, car son texte, transformé et déformé par les interventions des copistes, change d'un manuscrit à l'autre. Il varie au rythme des dialectes et au fil des siècles, alors que la langue elle-même évolue, passant de l'ancien français au moyen français (XIVe-XVIe siècles). », Jean Glenisson (dir.), Le livre au Moyen Age, Paris, Presses du CNRS, 1988, p. 57.
Le terme « movida », que l’on a traduit en français par « nuit madrilène » ou que l’on a conservé tel quel dans notre langue (« la movida madrilène ou espagnole»), provient de la même racine latine mais se révèle extrêmement restrictif puisqu’il désigne un mouvement de libération des mœurs et de la pensée surgi en Espagne juste après le franquisme à la fin des années 70 et dans les années 80. Par ailleurs, de manière générale, le vocable « movida » peut prendre le sens de « trucs » ou « affaires » parfois illicites (« está metido en una movida de droga »), d’agitation, de « fête » souvent bruyante, de « scandale » même, et parfois de « mouvance » (en tant que mouvement socioculturel en marge des valeurs dominantes). On ne pourra donc l’inclure dans les traductions de « mouvance » qu’avec précaution.
Le chevauchement entre ces deux thématiques (l’enfermement et le mouvement) est présent dans le regard porté sur la ville hispano-américaine, espace urbain privilégié par les écrits de fiction contemporains au détriment de la jungle ou des espaces ruraux. Quelle a été l’évolution dans la représentation de la ville entre le XIXe et le XXe siècle ? Comment est-on passé de ce lieu de barbarie ou propice aux épanchements bucoliques qu’est la campagne hispano-américaine à la ville, centre du progrès, de la modernité, du développement économique, politique et culturel ? Et ensuite, comment l’image de la ville acquiert-elle une nouvelle complexité en tant que fruit de migrations rurales massives, favorisant le métissage, l’hybridation culturelle (Mónica Cárdenas : « Représentations de la ville dans la littérature péruvienne du XIXe siècle : la dynamique entre le centre et la périphérie » ; Carlos Martinez Asssad, UNAM, « Mexico, una ciudad cosmopolita de inmigrantes »)? Quels sont, dans cette ville devenue labyrinthique et violente, les parcours rendant compte de son essence ? On songe à mille récits, depuis le Mexico de La región más transparente de Carlos Fuentes jusqu’au Santiago du Chili des romans policiers de Ramón Díaz Eterovic en passant par la Lima de Lima la horrible de Salazar Bondy ou de La ciudad y los perros ou de Conversación en La catedral de Mario Vargas Llosa. Une ville que l’on songe à fuir, afin de reconquérir de nouveaux espaces de liberté en revenant à des lieux originels où la vraie vie sourdrait à profusion : un certain nombre de romans sont ainsi structurés par « Le voyage sans retour de la ville vers la jungle » (Elvire Gomez-Vidal) tels que La Vorágine du Colombien José Eustasio Rivera (1924), Los pasos perdidos du Cubain Alejo Carpentier (1953) ou El hablador du Péruvien Mario Vargas Llosa (1987). Ce déplacement d’un enfermement urbain vers une promesse de liberté, vers la rencontre avec les cultures précolombiennes, avec l’altérité, voyage spatial mais aussi temporel, n’est-il pas illusoire ? Quels sont ses ferments idéologiques ? Le versant parodique de ce voyage de la ville à la jungle est certainement celui effectué par le personnage de Pantaleón dans Pantaleón y las visitadoras de Mario Vargas Llosa (1973) où la maison close « volante » créée par celui-ci parcourt la jungle afin de mettre un terme à la lubricité des soldats (Felix Terrones : « Le paradoxe de la maison close dans le roman contemporain : un lieu de circulation et d’échange », en lien avec sa thèse, « Les maisons closes dans les romans du boom » ).
Si l’on considère la matérialité même du voyage, on constate que chaque moyen de transport suscite une approche originale de l’espace traversé, crée un paysage spécifique et une perception différente du temps. On retiendra la magnifique ouverture de Doña Bárbara du Vénézuélien Rómulo Gallegos (1929), ce difficile périple en pirogue vers les llanos, qui sanctionne la rupture définitive de Santos Luzardo avec le monde urbain et son passé et qui imprègne tout le roman des significations qu’il véhicule : l’implacable, patiente et inéluctable conquête par l’homme des éléments déchaînés, d’une Nature impétueuse et sauvage, l’instauration optimiste de la Civilisation prenant le pas sur la Barbarie ; ou encore ces « Coplas de arrieros » qui rythmaient et cadençaient les déplacements des muletiers dans les sentiers argentins (Béatrice Chenot). À travers diverses œuvres de fiction (Yawar Fiesta -1941-, Los ríos profundos -1956- du Péruvien José María Arguedas ; El tren pasa primero -2006- de la Mexicaine Elena Poniatowska), mais aussi des documents factuels tels que la correspondance entre voyageurs au XIXe siècle (Correspondance du Péruvien Ricardo Palma -1833-1919-), la presse, les récits de voyage (le récit de voyage de Clorinda Matto de Turner -1852-1909-) et les guides anciens, on se penchera sur la perception et la représentation de la réalité environnante, selon le mode de transport utilisé. Le « temps mort » du voyage, comment les auteurs et narrateurs en tirent-ils parti au plan de la narration ? Ces haltes que sont les lieux d’hébergements (auberges, hôtels, résidences transitoires, etc.) ne sont-ils pas depuis Les contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer au XIVe siècle, des espaces de sociabilité où convergent différentes catégories de populations en transit, des carrefours de rencontres favorisant l’émergence des récits? (Isabelle Tauzin : « Modes de voyage, temps morts et carrefours »).
Une « poétique du mouvement » ne pourra manquer de se dégager de la mise en regard du mouvement, du temps, du rythme et de l’équilibre dans la sculpture et la peinture hispano-américaine contemporaine (Vera Picado : « La quête du mouvement » en lien avec sa thèse sous la direction d’Hélène Sorbé, d’Arts Plastiques). Cette « poétique du mouvement » pourrait inclure en son sein une autre dimension, la réception de l’œuvre d’art, et dans le cas des romans, de l’exercice de la lecture, mouvement aussi, mouvement contraint, mouvement vectorisé par l’avancée du texte écrit tel qu’il est donné à lire. De ce point de vue, Rayuela de l’Argentin Julio Cortázar (1963) est bien « l’antiroman » par excellence selon les termes même de l’écrivain, en ce qu’il place le lecteur en situation de « complice, de compagnon de route »[3] de l’auteur puisque le roman propose plusieurs itinéraires de lectures possibles nettement précisés par le narrateur qui donnent lieu à des intrigues différentes à dénouement variable. Œuvre paroxystique où le cheminement habituel de la lecture est profondément altéré, le texte devenant dédale organisé à parcourir, Rayuela déclare constitutivement, structurellement, le caractère fictionnel de l’écriture romanesque en instaurant « la lecture comme jeu » [4] (Elvire Gomez-Vidal : « Lecture de voyages : Rayuela de Julio Cortázar »).
Le mouvement, c’est aussi la porosité et l’influence réciproque entre genres littéraires différents, le flou des frontières entre récits fictionnels et récits factuels particulièrement exacerbé autour de la figure d’un « héros » (Marisol Abella Bétancourth : « Représentation des sicaires colombiens : va-et-vient entre fictions et témoignages » en lien direct avec sa thèse « Le roman « sicaresque » en Colombie ») ou encore le cheminement d’écrivaines comme Elena Poniatowska ou Sara Sefovich qui passent de la fiction à l’essai et vice versa, tantôt taraudées par la puissance du réel mexicain et l’urgence à le rendre, tantôt séduites par les pouvoirs de la fiction et ses aptitudes à suggérer. Les grandes poétesses mexicaines, Elsa Cross et Pura López Colomé nous parleront du rapport entre « les mots et les choses », de la nomination du monde à travers leur condition de femmes écrivaines. Il y a encore le mouvement qui va de la fabrique d’une image à l’influence de celle-ci dans la vie quotidienne : c’est ce que Julia Tuñon, grande spécialiste du cinéma mexicain, s’emploiera à démontrer (« Mujeres de luz y sombra en el cine mexicano:
La construcción de una imagen, 1939-1952 ») ; ou bien, comment, dans le cinéma et la littérature chicanos, il y a reprise, recyclage et subversion des stéréotypes et des grandes figures de la féminité mexicaine (Elyette Benjamin, Yves-Charles Granjeat -CLIMAS- et le cinéaste chicano Gary Keller). De la même manière, Cristina Bravo Rozas (Université Complutense, Madrid), observe la survivance de « Sanchos y Quijotes en la dramaturgia mexicana actual » et Julie Morales s’interrogera, à travers la réalisation d’un documentaire à teneur scientifique, sur la vivacité et les mutations « des rites, mythes et croyances des Mayas du XXIe siècle». Quant à Beatriz Canabal, (Sociologue, Université Xochimilco, Mexique), elle présentera la zone particulière de Xochimilco, ses canaux et les modes de production agricoles dans ce lieu qui est l’héritier de l’ancienne Tenoctitlan, l’ancienne capitale des Aztèques, « la Venise des Amériques », et qui marie traditions et préoccupations écologiques des plus contemporaines.
En contrepoint au décloisonnement antérieur entre genres (fictions et récits factuels), on évoquera le roman indigéniste, nettement répertorié en tant que « genre » ou « sous-genre » littéraire, hautement codifié, quasiment momifié, « mort » même selon la formule célèbre de Salazar Bondy, qui ne cesse pourtant de se renouveler depuis les années 80 dans les romans péruviens de tendance néo-indigéniste [5] et de susciter nombre de travaux critiques [6]. Dans le cours de cette évolution, la représentation de la figure féminine ne serait-elle pas un paramètre majeur, et l’on songe en particulier au roman Rosa Cuchillo d’Oscar Colchado Lucio (1996) et au personnage éponyme, en pèlerinage entre deux mondes ? C’est ce que Nathalie Lavigne se propose de démontrer, en revenant quant à elle à la source du roman indigéniste, le roman indianiste antérieur: « La figure féminine dans le roman indianiste et indigéniste : entre statisme et mouvement ») ? Sans quitter le monde « indigène », mais nous transportant vers une autre aire et en l’envisageant maintenant sous l’angle de l’histoire, on s’intéressera aux mouvements politiques et sociaux au Guatemala, dans une société où 60% de la population fonctionne et raisonne selon des schémas culturels et psychologiques autres que ceux structurant l’État et la vie publique. Comment et en quoi les communautés indiennes guatémaltèques ont-elles influencé « les dynamiques politiques depuis 1944 jusqu’à aujourd’hui » (David de la Fuente en lien avec sa thèse sous la direction d’Yves Aguila)? En rapport avec les communautés indiennes dans l’Amérique hispanique, avec leur reconnaissance progressive et avec leur émergence en tant qu’acteurs politiques, on proposera également une réflexion sur la manière dont se construit le discours scientifique sur les groupes dits ethniques (Veruhska Alvizuri : « Une ethnohistoire des ethnologues : l’invention des ethnicités en Amérique latine »).
A la suite de la pensée de Siqueiros (« une peinture murale dynamique pour un spectateur dynamique ») et des œuvres des grands muralistes mexicains (« Les représentations féminines des muralistes mexicains », Michèle Dalmace), les fresques populaires chiliennes nées sur les murs des bidonvilles sont l’incarnation du mouvement, tant d’un point de vue idéologique que physique. Outre son caractère performatif, l’image engagée intervient comme praxis dans la vie quotidienne, depuis sa conception (geste politique donnant lieu à une pratique corporelle) jusqu’à sa perception puisqu’au-delà du regard actif qu’il requiert, le mural s’adresse à un observateur en mouvement, au badaud qui passe. Ce point de rencontre de l’espace et du temps qu’est le mural s’érige en théâtre de l’éphémère (Valérie Joubert : « L’art de la rue à Santiago du Chili : un art vif »). Théâtre de l’éphémère mais aussi lieu de la dénonciation, lieu du dévoilement d’une réalité cachée et censurée, le mural sous la dictature du général Pinochet est l’illustration d’une dynamique allant du secret d’Etat à la dénudation et à l’exposition publique des faits. Cette même dynamique est à l’œuvre dans la découverte des charniers de « los falsos positivos » en Colombie. Certes, ce n’est pas par la voie de l’expression artistique que le scandale a éclaté à l’automne 2008, mais grâce aux enquêtes de deux associations humanitaires (Human Rights Watch et Amnesty International), très vite relayées par la presse internationale et nationale, bientôt rejointes par la propre administration du Président Alvaro Uribe, éclaboussé par l’affaire puisque certains militaires de l’armée régulière colombienne massacraient de simples paysans en faisant croire qu’il s’agissait de « subversivos » des FARC afin de toucher une prime (James Cortés : « Los falsos positivos en Colombie : du secret d’État au scandale public »). La dynamique du passage du secret politique au dévoilement public met en lumière les rapports de force qui se jouent actuellement non seulement à l’échelle de la Colombie mais de toute l’Amérique latine au sein de démocraties alliant des Constitutions extrêmement progressistes et des pratiques léguées par les régimes dictatoriaux antérieurs.
Dans un mouvement rétrospectif, on reviendra sur les origines de l’Amérique hispanique actuelle et sur ses legs à travers quatre sujets : l’Indépendance et ses guerres (Lise Segas : « Las lanzas coloradas du Vénézuélien Arturo Uslar Pietri -1931- : une poétique du mouvement » ; en outre, sa thèse, « Le cycle des pirates dans la poésie épique des Indes (1585-1615) » entre en résonance directe avec ce sous-axe), la fondation des villes du Nouveau Monde (Fernando Casanueva : « Pedro de Valdivia : le Prince du mouvement » ; Bernal Herrera : « De la Conquête à la modernité : Hernán Cortès et Machiavel »), et la figure emblématique de la Conquête, ayant donné lieu à d’innombrables représentations picturales ou sculpturales, Santiago (« Santiago y ¡ cierra España ! »), qui concentre en elle le transfert des termes de la Reconquête espagnole dans les formes et les enjeux de la Conquête des Amériques (Valérie Joubert : « De la Reconquête à la Conquête : Santiago Matamoros/Santiago Mataindios ») ; on s’intéressera également à la représentation de la Conquête dans les œuvres de fiction (sujet de la thèse de Nathalie Lavigne).
Comme on peut l’apprécier à la lecture de ce projet, la thématique « Écritures et figurations du Mouvement dans l’Amérique hispanique », a rassemblé un nombre important de chercheurs confirmés et de jeunes doctorants et les sujets qu’ils ont proposés ont infléchi le cours et la nature de la réflexion. De manière dialectique, plusieurs des doctorants intéressés y ont vu une manière nouvelle d’envisager leur travail de thèse qui leur ouvre des perspectives prometteuses.
« La mouvance, phénomène majeur de la culture médiévale, déroute le lecteur moderne habitué à la stabilité (relative) de l'œuvre imprimée. Au Moyen Âge, l'auteur reste le plus souvent une figure évanescente dont la part de responsabilité est difficile à établir, car son texte, transformé et déformé par les interventions des copistes, change d'un manuscrit à l'autre. Il varie au rythme des dialectes et au fil des siècles, alors que la langue elle-même évolue, passant de l'ancien français au moyen français (XIVe-XVIe siècles). », Jean Glenisson (dir.), Le livre au Moyen Age, Paris, Presses du CNRS, 1988, p. 57.
Le terme « movida », que l’on a traduit en français par « nuit madrilène » ou que l’on a conservé tel quel dans notre langue (« la movida madrilène ou espagnole»), provient de la même racine latine mais se révèle extrêmement restrictif puisqu’il désigne un mouvement de libération des mœurs et de la pensée surgi en Espagne juste après le franquisme à la fin des années 70 et dans les années 80. Par ailleurs, de manière générale, le vocable « movida » peut prendre le sens de « trucs » ou « affaires » parfois illicites (« está metido en una movida de droga »), d’agitation, de « fête » souvent bruyante, de « scandale » même, et parfois de « mouvance » (en tant que mouvement socioculturel en marge des valeurs dominantes). On ne pourra donc l’inclure dans les traductions de « mouvance » qu’avec précaution.
[1] « La mouvance, phénomène majeur de la culture médiévale, déroute le lecteur moderne habitué à la stabilité (relative) de l'œuvre imprimée. Au Moyen Âge, l'auteur reste le plus souvent une figure évanescente dont la part de responsabilité est difficile à établir, car son texte, transformé et déformé par les interventions des copistes, change d'un manuscrit à l'autre. Il varie au rythme des dialectes et au fil des siècles, alors que la langue elle-même évolue, passant de l'ancien français au moyen français (XIVe-XVIe siècles). », Jean Glenisson (dir.), Le livre au Moyen Age, Paris, Presses du CNRS, 1988, p. 57.
[2] Le terme « movida », que l’on a traduit en français par « nuit madrilène » ou que l’on a conservé tel quel dans notre langue (« la movida madrilène ou espagnole»), provient de la même racine latine mais se révèle extrêmement restrictif puisqu’il désigne un mouvement de libération des mœurs et de la pensée surgi en Espagne juste après le franquisme à la fin des années 70 et dans les années 80. Par ailleurs, de manière générale, le vocable « movida » peut prendre le sens de « trucs » ou « affaires » parfois illicites (« está metido en una movida de droga »), d’agitation, de « fête » souvent bruyante, de « scandale » même, et parfois de « mouvance » (en tant que mouvement socioculturel en marge des valeurs dominantes). On ne pourra donc l’inclure dans les traductions de « mouvance » qu’avec précaution.
[3] “Posibilidad tercera: la de hacer del lector un cómplice, un camarada de camino”, Cortázar, Julio, Rayuela, Buenos Aires, Sudamericana, 1963, p. 453.
[4] Picard, Michel, La lecture comme jeu, Paris, Les Editions de Minuit, 1986.
[5] Citons les noms d’auteurs péruviens tels que Marcos Yauri Montero, Edgardo Rivera Martínez, Oscar Colchado, Víctor Zabala Cataño, Félix Huamán Cabrera, Dante Castro, etc.
[6] -Escajadillo, Tomás, La narrativa indigenista peruana, Lima, Amaru Editores, 1994.
-Vargas Llosa, Mario, La utopía arcaica, José María Arguedas y las ficciones del indigenismo, México, Fondo de Cultura Económica, 1996.
[4] Picard, Michel, La lecture comme jeu, Paris, Les Editions de Minuit, 1986.
[5] Citons les noms d’auteurs péruviens tels que Marcos Yauri Montero, Edgardo Rivera Martínez, Oscar Colchado, Víctor Zabala Cataño, Félix Huamán Cabrera, Dante Castro, etc.
[6] -Escajadillo, Tomás, La narrativa indigenista peruana, Lima, Amaru Editores, 1994.
-Vargas Llosa, Mario, La utopía arcaica, José María Arguedas y las ficciones del indigenismo, México, Fondo de Cultura Económica, 1996.